Iode et pathologies thyroïdiennes, en pratique

Comment utiliser l’iode quand il y a une carence en iode avérée et qu’on souffre d’une pathologie thyroïdienne (Hashimoto inclus)

Comme promis, voici la 1ère partie (sur 2) de notre dossier sur l’iode, où nous allons donc passer en revue de l’implication de l’iode dans les troubles thyroïdiens et comment utiliser l’iode quand il y a une carence en iode avérée et qu’on souffre d’une pathologie thyroïdienne (Hashimoto inclus) …

Pour rappel, dans la 2ème partie de notre dossier, nous verrons les références nutritionnelles de référence (adulte, femme enceinte et allaitante, etc.) et les apports maximaux tolérés; Et finalement, comment on optimise un statut en iode de façon ajustée…en termes de quantité et d’outils.

On commence donc à voir ce qui se passe du côté de l’hypothyroïdie

1-On a effectivement l’hypothyroïdie engendrée par la carence en iode

Ce type d’hypothyroïdie est toujours associée à un goitre* (qui n’est pas toujours visible à l’œil, comme vous le rappelle un des passages de l’encart suivant).

Cette carence en iode est elle-même engendrée par une sous-consommation prolongée d’aliments contenants de l’iode (produits de la mer, sel de table enrichi en iode, produits laitiers)

Le plus simple, dans ce type d’hypothyroïdie, c’est d’augmenter la consommation d’aliments riches en iode ou bien d’utiliser la complémentation de façon « ajustée* », *c’est-à-dire en s’assurant que l’apport en iode supplémentaire n’est pas trop élevé[1], au risque, sinon, d’aggraver l’hypothyroïdie par un mécanisme d’autoprotection organique (dit de Wolff-Chaikoff, dont je vous reparle plus bas), qui permet effectivement d’éviter de basculer en hyperthyroïdie (engendrée par l’excès de production d’HT).

*Une carence en iode peut aussi générer un goitre non associé à une hypothyroïdie.
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Précision encore : Selon la recherche, la carence en iode représente la cause la plus évitable de pathologie endocrinienne, et plus spécifiquement du goître et de l’hypothyroïdie.

Rappel : La synthèse des hormones thyroïdiennes (HT) par la thyroïde nécessite de l’iode.
Un sous approvisionnement prolongé en iode limite donc la production par la thyroïde de ses 2 hormones (T4 et T3). Le cerveau essaie alors de corriger le tir en « poussant » la thyroïde à produire plus d’HT, et ce par la sécrétion hypophysaire du médiateur TSH, ce qui fait augmenter le volume de la thyroïde, d’où l’apparition d’un goître, qui n’est toutefois pas toujours visible à l’œil, et qui est alors appelé « goitre interne ».Le goitre peut apparaitre lors d’une hyperthyroïdie, lors d’une hypothyroïdie, mais aussi quand la thyroïde fonctionne normalement (= TSH sans les normes). Il peut être un simple épaississement de la paroi de la glande ou bien être dû à 1 ou des nodules (c’est alors un goitre nodulaire ou multi nodulaire) Autrement dit, en cas de goitre, et même si la TSH est encore dans les normes de référence labo (qui ne sont pas les mêmes que celles « santé », comme vous le rappelle ce tableau[2], issu du support spécial prise en charge phyto/micronutritionnel de l’hypothyroïdie), c’est-à-dire si la TSH se trouve déjà à 2,5 µUI/ml inclus (et bien sûr plus), on pense à vérifier le statut en iode (une iodurie urinaire du matin suffit pour vérifier, rappelez-vous) et aussi en fer

2-On a aussi l’hypothyroïdie (toujours associée à un goitre ; voir une précision dans l’encart suivant) engendrée par la « surconsommation » de substances dites goitrogènes[3],..

Ces substances perturbent soit la captation de l’iode par la thyroïde, soit le travail des enzymes nécessaires à la fabrication des HT, soit interfèrent avec la TSH, etc. (en fait, les mécanismes d’action de ces substances goitrogènes ne sont encore pas totalement compris).

À noter : il existe aussi le goitre non associé à une hypothyroïdie engendré par la surconsommation de substances dites goitrogènes

Ce phénomène avec ces substances goitrogènes n’arrive toutefois que chez les personnes qui, en plus de surconsommer ces dites substances, ne consomment pas assez d’aliments contenants de l’iode. Autrement dit, chez des personnes déjà carencées en iode…

Ce qu’il faut en retenir en pratique, c’est que si vous êtes grand consommateur de telles substances (et crues, car la cuisson et même la fermentation limite beaucoup cet effet goitrogène), comme par exemple du soja (préférez le toujours fermenté !), le manioc, etc., assurez-vous d’avoir un bon statut en iode (via une iodurie urinaire, rappelez-vous).

3-A part ça, il existe l’hypothyroïdie engendrée par une surconsommation d’iode

Pour exemple : Avec une grosse consommation d’algues, ce qui est fréquent au japon, ou l’apport d’iode peut facilement dépasser plusieurs milligrammes (mg) par jour alors que l’apport maximal toléré par jour pour l’adulte est de 600 µg (microgrammes), disons même qu’on peut aller jusqu’à 1000 µg ou microgrammes (ce qui équivaut à 1 milligramme) sans que ça ne crée de problème (si on n’a pas de pb thyroïdien particulier ou même sous-jacent, je précise).

Autres exemples : Avec la pise d’Amiodarone[4] (un antiarythmique), qui contient près de 37% d’iode (ce qui correspond à environ plus de 25 fois la dose journalière recommandée…qu’il faut donc ajouter à l’apport alimentaire journalier), et puis aussi avec l’injection d’un produit de contraste iodé (PCI).

Cette hypothyroïdie engendrée par un excès d’iode est due à l’effet protecteur de Wolff-Chaikoff[5] (dont je vous ai déjà parlé plus haut), qui est un phénomène autorégulateur qui inhibe la formation des HT par la thyroïde, ce qui évite effectivement la formation excessive d’HT et donc le basculement en hyperthyroïdie

Mais encore une fois, ce type d’hypothyroïdie engendrée par un excès d’iode apparaît plutôt chez des personnes qui présentent déjà des antécédents thyroïdiens, notamment une maladie de Hashimoto ou de Basedow, une thyroïdite subaiguë ou du post-partum, …. Autrement dit, vigilance avec la surconsommation d’iode (algues, certains traitements médicamenteux, etc.) si vous souffrez de tels problèmes thyroïdiens…

A noter encore, comme nous allons voir après cet encart, que ces apports excessifs en iode peuvent aussi faire basculer certaines personnes en hyperthyroïdie, notamment chez les personnes âgées et chez les personnes atteintes d’un trouble de la thyroïde sous-jacent.

Voyons maintenant ce qui se passe du côté d’hyperthyroïdie, ..

En dehors d’apport excessif d’iode, plusieurs pathologies thyroïdiennes peuvent expliquer la survenue d’une hyperthyroïdie, notamment la maladie de Basedow, un goître multi-nodulaire toxique, un adénome toxique ou bien une thyroïdite auto-immune.

En ce qui concerne les raisons d’apports excessifs en iode, vous en connaissez certaines à présent :

  • La surconsommation d’aliments riches en iode (algues)
  • L’origine médicamenteuse (injection de produit de contraste iodé ou PCI, Amiodarone, …)
  • Mais aussi la prise d’une complémentation inadaptée en iode
Pour rappel (je sais, je me répète ), ce sont plutôt les personnes âgées et chez les personnes atteintes d’un trouble de la thyroïde sous-jacent qui risquent de basculer en hyper à cause d’un excès d’iode (hormis avec l’Amiodarone, qui peut impacter n’importe quel utilisateur et même si ça thyroïde était ok avant le début du traitement)

Voyons maintenant les préconisations de l’iode en cas de carence en iode avérée et de troubles thyroïdiens particuliers :

  • Si l’hypothyroïdie n’est pas d’origine non auto-immune (avec donc carence en iode avérée), vous l’avez compris, on augmente la consommation d’aliments riches en iode ou bien d’utiliser la complémentation de façon ajustée
  • Lors d’une thyroïdite de Hashimoto, qui est donc d’origine auto-immune (ici on ne parle que d’une Hashimoto avec carence en iode avérée, je précise) : En fait, la recherche semble se positionner en faveur de la supplémentation en iode, sous réserve que la supplémentation soit ajustée (c’est-à-dire « respecte les références nutritionnelles pour la population et les limites supérieures de sécurité », dont nous parlerons dans la 2ème  partie de notre dossier). Une étude conseille même une prise d’iode quotidienne située entre 50 et 150 µg (microgramme). Associé à une hormonothérapie thyroïdienne substitutive (Levothyrox, Euthyral…), cet apport d’iode supplémentaire quotidien permettrait même de diminuer les taux des anticorps anti-TPO et anti-Tg. En outre, cette même étude précise qu’une dose quotidienne de 200 µg d’iode permettrait de réduire l’incidence des troubles de la thyroïde auto-immuns chez les personnes les plus à risque. Attention, cela ne veut pas dire qu’il faut prendre 200 µg par la complémentation au quotidien, mais plutôt, qu’il faut juste s’assurer d’avoir un apport quotidien en iode de 200 µg (alimentation + éventuellement complémentation si on n’arrive pas à faire son quota par l’alimentation).
On peut être sous traitement d’hormones thyroïdiennes de synthèse (Levothyrox, Euthyral, etc.) et se rendre compte qu’on est carencé en iode (via l’iodurie urinaire). Dans ce cas, si on veut optimiser son statut en iode (par l’alimentation ou la complémentation), on pense à faire réévaluer la posologie de son traitement thyroïdien par son médecin (qui ajustera en fonction du résultat sanguin de la TSH, qui devrait logiquement être plus bas en termes de valeur).Précision : Ceci ne concerne que les personnes qui sont sous traitement d’hormones thyroïdiennes de synthèse mais qui ont encore leur thyroïde. Car quand on n’a plus de thyroïde, l’apport d’iode n’a aucune chance d’impacter la synthèse des HT (puisqu’il n’y a plus de glande pour les fabriquer). Pas la peine non plus de supplémenter

Du côté de l’hyperthyroïdie :

  • Lors d’hyperthyroïdie conséquente d’un excès d’iode : on limite l’apport d’iode alimentaire (et surtout pas de supplémentation en iode ! On fait aussi attention aux médicaments, comme l’Amiodarone, etc.)
  • Lors d’hyperthyroïdie, basedow inclus, pas de complémentation en iode, pas d’algues non plus de façon exagérée, mais manger du poisson, des fruits de mer, etc. est conseillé (hormis s’il existe aussi un excès d’iode, et là, on limite la consommation de tous produits alimentaires iodés)

Voilà pour la 1ère partie de notre dossier sur l’iode. j’espère qu’elle vous plait, qu’elle est assez claire. Qu’elle répond à la plupart des interrogations sur le sujet :-). La 2 ème partie sera probablement en ligne fin août..

Encore une chose avant de vous quitter, revoici le lien du support support spécial prise en charge phyto/micronutritionnel de l’hypothyroïdie

Prenez bien soin de vous et à très vite pour la suite ;-)

Véronique


[1] Nous verrons comment ajuster un éventuel apport en iode dans la 2ème partie du dossier

[2]

[3] Certaines substances dites goitrogènes peuvent inhiber la captation de l’iode par la thyroïde, particulièrement lorsque l’on manque déjà d’iode (ou agir par d’autres mécanismes ou l’iode n’est pas en cause). Ces substances dites goitrogènes sont :

– les nitrates, naturellement présents dans les légumes à feuille verte et aussi dans l’eau de consommation en raison de leur utilisation en tant qu’engrais dans l’agriculture.

– les perchlorates, présents en quantité importante dans certaines eaux de consommation en raison de leur utilisation industrielle et militaire et de leur rejet dans les nappes phréatiques.

– les thiocyanates, abondants dans les crucifères, les navets (idem), les graines de colza et de moutarde, etc., le manioc peut même en contenir jusqu’à 3 400 mg/kg. En fait, il est l’aliment le plus riche en thiocyanates, d’où les problèmes de goitre dans les pays où le manioc est un aliment de base. A noter que la cuisson atténue les effets de ces substances.

– La consommation de tabac peut également aggraver l’effet de ces substances dites goitrogènes. Ainsi, chez les fumeurs, le taux sanguin de thiocyanate est beaucoup plus élevé que chez les non-fumeurs, et ce en raison du cyanure présent dans les cigarettes.

Précisions : D’autres carences que celle en iode peuvent accentuer les effets d’une carence en iode, telles une carence en fer, en vitamine A et en sélénium.

Pour rappel, et qui n’a encore rien à voir avec l’iode, c’est qu’il on a aussi le goitre associé ou pas à une hypothyroïdie engendrée par du lithium, qui se concentre dans la thyroïde, où il inhibe la synthèse et la libération des HT.

[4] 15 à 20% des personnes sous Amiodarone déclareraient un trouble thyroïdien, dont l’hypothyroïdie mais aussi l’hyperthyroïdie.

[5] Ce mécanisme se produit quand il y a des niveaux élevés d’iodure en circulation.

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